Closer – Corneille : « Avec ma femme, on se complète parfaitement »

Ses premiers albums avaient esquissé sa douloureuse histoire. Parce qu’on aime, son huitième opus, permet à Corneille d’aborder des thèmes plus légers. Rencontre avec un crooner pas crâneur.

Closer : Cinq ans que vous n’aviez pas sorti un album de chansons originales. Qu’est-ce qui surprendra vos fans dans Parce qu’on aime ?

Corneille : Je dirais qu’ils y trouveront mes premières chansons d’amour. C’est le thème essentiel du disque.

Et la patte de votre femme, Sofia, qui a écrit les textes. Pas trop compliqué de tout partager, même le boulot ?

Non, on se complète parfaitement ! Je ne suis pas bon pour résumer les choses. Or, Sofia, elle, est très bonne pour les punchlines. Cela me permet de me concentrer sur mon vrai domaine, la mélodie, l’arrangement, la réal…

Dans cet album, vous évoquez l’usure du couple. Quel est votre secret, à Sofia et vous, pour durer depuis quatorze ans ?

Ce serait prétentieux de donner des leçons ! Si, à 80 piges, on est encore ensemble, reposez- moi la question ! (Rires.) On s’est mis d’accord sur un principe : notre couple est notre priorité, et ni la carrière, ni le travail, ni les amitiés, ni notre passé, ni nos familles ne peuvent être sur le même plan. C’est ce qui nous aide à faire des choix et à ne pas mettre un pied ailleurs. Nous sommes très fusionnels.

Pour Merik et Mila, 8 et 3 ans, vous êtes plus papa poule ou daddy cool ?

Avant de les avoir, j’étais persuadé que je serais un papa cool. Mais je réalise qu’avec l’amour, il faut un peu de discipline. Mon rôle est de les recadrer de temps en temps, comme mes parents l’ont fait pour moi.

Le manque de sommeil des parents, que vous évoquez dans ce disque, ne vous pèse pas trop ?

Ah si ! C’est l’une des choses les plus difficiles à gérer. Ne pas dormir, cela atteint les neurones, et il paraît qu’on ne les récupère plus ! C’est très déprimant ce que je dis… (Rires.)

Le « généreux égoïste » du titre Tout le monde, c’est vous ?

Bien sûr. Je me suis rendu compte que, quand je donne, c’est pour ma gueule. Le seul moment où je suis capable d’un altruisme pur, c’est avec mes enfants. Sinon, au mieux, c’est pour ma bonne conscience.

Même lorsque vous vous engagez auprès d’associations caritatives ?

Purement. En 2006, je suis allé au Malawi dans le cadre d’une campagne de sensibilisation sur le sida chez les enfants. C’était très dur de retourner sur mon continent, de passer pour un artiste engagé, en n’ayant rien changé. J’aurais aimé tout lâcher et dédier ma vie à ces mômes-là. Mais ne l’ayant pas fait, je ne me sens pas si engagé.

Vous faites partie des Enfoirés…

C’est différent, plus concret. J’ai rencontré des gens qui avaient mangé ce jour-là grâce aux Restos du coeur.

Dans la chanson Le Bonheur, vous descendez le « c’était mieux avant »… Pas fan de la nostalgie ?

Si, je suis très nostalgique. Le Rwanda me manque, mon adolescence aussi. On a envie de garder un pied dans le passé pour se sentir complet. Mais je ne pense pas que l’on soit obligé de trouver le passé mieux que le présent.

Etes-vous retourné au Rwanda avec votre famille ?

Pas encore.

Vous avez fêté vos 40 ans, il y a deux ans. Un gros cap ?

Pas vraiment. J’ai peur de vieillir, comme tout le monde, mais ce n’est pas une question esthétique. Je crains de ne plus être apte. Quand je vois le père de Sofia à quatre pattes jouant avec sa petite-fille, ça me donne envie. Je veux préserver ma santé pour ça.

Votre santé, vous l’avez préservée en ne touchant pas à une goutte d’alcool avant la trentaine…

Oui, mais je suis en train de me rattraper (Rires.) Mon premier verre de vin, j’ai dû le boire vers 28 ans. C’est toujours ça de gagné !

Vous aidiez Garou dans The Voice, en 2015. Un fauteuil vous tenterait ?

J’adorerais ! Je suis de plus en plus attiré par l’idée de transmettre.

Aya Nakamura dit être fan de vous…

Ça m’a fait très plaisir. Tout à coup, ce que l’on a fait de bien n’est plus seulement dans le passé. C’est génial.

Depuis le Québec, où vous vivez, que regrettez-vous de la France ?

Paris, la plus belle ville au monde. J’apprécie même l’impatience des Parisiens. En Amérique du Nord, c’est l’inverse : tout est aseptisé, les gens ne s’engueulent pas vraiment. Et ça sort autrement.

La parole se libère parfois, comme avec le mouvement #MeToo…

C’était nécessaire. J’entends certains détracteurs critiquer cette justice entre les mains des internautes, où l’on pourrait balancer des noms et briser des vies. Mais la réponse aux injustices subies devait être à la mesure du temps que ça a duré et du silence imposé. Le pouvoir a donné le droit à l’indécence. Et c’est malheureux, mais les systèmes ne bougent pas tant qu’il n’y a pas un petit peu de violence. Parfois, le seul moyen de se faire entendre est d’aller à l’extrême.

Sur Twitter, vous plaidiez récemment pour une candidature de Michelle Obama. Une femme au pouvoir, ce serait bien ?

Michelle Obama en Présidente des USA, c’est mon petit fantasme politique. (Rires.)

Vous êtes féministe ?

Impossible de ne pas l’être. On a tous une mère, une soeur, une fille, une femme qui est tout pour nous.

On vous connaît souriant et positif. Vous avez bien un horrible défaut quand même ?

Je n’ai pas envie de vous le dire ! (Rires.) Il y a plein de trucs énervants chez moi. Sofia vous dirait que je suis très têtu et maladivement allergique à l’autorité

Propos recueillis par Maëlle Brun – Closer N° 716 – du 1er au 7 mars 2019