«Aimer, c’est le seul remède à la guerre» – Corneille

« Il faudra beaucoup d’amour pour gagner la guerre ». Difficile de croire que Corneille a écrit ces mots, scandés sur son nouvel album, il y a de cela une année entière. La coïncidence, il l’atteste, est « étrange ». Mais elle vient faire résonner encore plus fort son cri du cœur écrit à l’Encre rose.

La phrase, répétée sur le titre Rendez-vous à minuit, titille l’oreille différemment, prenant un tout autre sens lorsqu’on l’entend aujourd’hui. En entrevue au Journal, Corneille le concède, mais prend tout de même le temps de la réinscrire dans son contexte initial. 

« Je pensais à la guerre des mots, celle que je voyais sur les réseaux sociaux. La pandémie nous a divisés davantage. Toutes ces méchancetés qui ont été dites par des gens qui étaient pour ou contre le vaccin, qui s’insultaient et se traînaient dans la boue… ce n’est jamais la solution de répondre à la haine des autres par sa propre haine. Ça ne marche jamais », confie le chanteur. 

Qu’est-ce qui marche, alors ? La réponse ne se fait pas attendre. 

« Aimer, c’est le seul remède à la guerre. Le seul moyen de s’en sortir, c’est en trouvant en soi l’amour des gens qui viennent secouer des choses en soi qui sont fragiles. Il faut savoir marcher sur son orgueil et essayer de comprendre l’autre. Mais évidemment, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire », avance-t-il. 

Un « regard différent »

Ce thème, Corneille le connaît malheureusement trop bien. Son adolescence a été marquée au fer rouge par la guerre civile du Rwanda, dans les années 1990. Le chanteur a vu sa famille biologique entière décimée, échappant lui-même de justesse au génocide en fuyant vers l’Allemagne. 

Tout ça vient évidemment teinter la vision qu’il a aujourd’hui du conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine. 

« J’ai un regard différent sur la guerre. Je l’ai vécue. J’ai été dans le cœur d’un génocide pendant trois mois. Les séquelles de ce genre de conflit, la réalité des réfugiés, l’émigration d’un continent à un autre, ce que ça génère comme précarité chez les gens qui sont en train de subir ces atrocités-là, je connais tout ça », confie-t-il. 

« J’ai l’impression que faire cet album comme je l’ai fait, de l’intituler Encre rose, de traiter des thèmes que j’ai choisi de traiter, est encore plus pertinent aujourd’hui », poursuit-il. 

Apprendre du passé

Ces thèmes, ils abondent sensiblement tous dans le sens de l’amour, de la tolérance, de la bienveillance, de l’humilité et des autres valeurs fondamentales qu’il partage avec sa conjointe, Sofia de Medeiros, avec qui il partage sa plume. En fait, Corneille n’hésite pas à qualifier cet album de cri du cœur face aux deux dernières années qui, avouons-le, auront été plutôt difficiles. 

« On continue de dire qu’on veut que tout aille mieux, mais on fait tout le contraire. Tout ce qu’on peut maîtriser, ce sont nos rapports entre êtres humains, alors travaillons là-dessus. Est-ce qu’on peut simplement apprendre de ce qui vient de se passer pour être mieux ensemble ? » laisse-t-il tomber. 

S’il faut attendre jusqu’à vendredi pour découvrir ces 11 nouvelles pièces, les fans moins patients pourront les entendre à compter de jeudi soir avec la webdiffusion d’un spectacle faisant office de lancement.  

L’album Encre rose sera sur le marché à compter de vendredi. Le concert de lancement sera quant à lui accessible dès jeudi, 20 h, pour une durée d’un mois. Pour information et billets : corneilleofficiel.com 

« C’EST L’ALBUM QUE J’AI TOUJOURS VOULU FAIRE » 

 

Les airs de Stevie Wonder, Shalamar et Hall and Oates ont forgé l’identité musicale de Corneille au tournant des années 1980. Pourtant, le chanteur n’avait jamais encore osé s’approprier ce son pour ses propres compositions… jusqu’à aujourd’hui. 

Corneille avoue avoir longtemps tergiversé au fil des ans, hésitant longtemps à puiser son inspiration dans ces belles années de la soul et du R&B américains qui ont bercé son enfance. Pourquoi ? Parce que ce courant musical est synonyme d’une grande légèreté.

« Aux États-Unis, ils venaient de finir la guerre du Vietnam, il y avait Woodstock… les gens voulaient simplement vivre. Ils avaient une soif de légèreté, d’insouciance. Et moi, je n’ai jamais écrit de chansons comme ça, qui restaient en surface, alors j’avais une certaine timidité à leur donner ce genre d’enrobage », raconte le chanteur.

« Mais finalement, la pandémie m’a décomplexé face au rapport entre le texte et la musique », ajoute-t-il. 

20 ans de carrière

La pandémie y est certes pour quelque chose. Mais l’expérience aussi a joué un rôle non négligeable dans le processus créatif d’Encre rose. Car mine de rien, Corneille célèbre cette année le vingtième anniversaire de son tout premier album, Parce qu’on vient de loin

De son propre aveu, les années sont venues atténuer la nervosité associée à la sortie d’un nouveau disque. 

« J’ai des espoirs, c’est certain. Mais je n’ai plus vraiment d’attentes. Plus jeune, je voulais que mes albums marchent, qu’ils cartonnent. Mais mon trip premier aujourd’hui, c’est d’écouter l’album et d’en être fier. D’entendre quelque chose qui correspond à mes inspirations premières, que le résultat final me plaise », confie-t-il. 

En revanche, précise le chanteur, la pandémie a changé l’industrie, rendant plus difficile de tâter le pouls des fans en amont. Suffit donc de rester zen. Et ça, ça ne risque pas d’être un problème vu le tempérament naturellement cool de Corneille. 

« J’espère que le public va être au rendez-vous, c’est certain. Mais je suis bien, j’ai confiance. Encre rose, c’est l’album que j’ai toujours voulu faire et j’assume pleinement son côté dansant. Ça m’a fait du bien, et je sais que ça va faire du bien en show », conclut-il, sourire aux lèvres. 

Source : JDQ