Corneille : « Chaque 6 avril est une occasion de me poser la question du génocide rwandais »

Le chanteur Corneille est l’invité du Réveil Culturel pour la sortie de son nouvel album « “Parce qu’on aime”. C’est l’occasion aussi pour lui d’évoquer une date de commémoration, celle du génocide rwandais, le 6 avril 1994. Avec la participation d’Oriane Jeancourt, du magazine Transfuge.

Tewfik Hakem s’entretient avec Corneille, auteur, compositeur et interprète, à l’occasion de la sortie de son huitième album Parce qu’on aime.

C’est beaucoup d’imagination et des souvenirs. Je me rends compte, avec le temps, qu’à force de faire – la composition musicale, l’harmonie, la suite d’accords, la mélodie – on emprunte forcément au passé : je réarrange mes souvenirs musicaux. ce qui explique aussi la raison pour laquelle il y a tant de lieux communs entre la musique populaire et ce qui est fait il y a 20 ans,, et 20 ans auparavant.

Souvent, le texte part de l’envie d’exprimer quelque chose que je n’ai pas eu le courage ou l’esprit de faire au moment où je l’ai ressenti, comme avec l’actualité, par exemple. Je le laisse dans un coin et puis, je me dis : ça me trotte encore dans la tête cette histoire, faut que je dise et là, la chanson commence. 

L’écriture des textes a été très spontanée. Je les ai écrits avec mon épouse, Sofia. On avait envie de parler de nous, on avait envie de partager des leçons apprises. Ça fait presque dix ans qu’on écrit ensemble mais c’est la première fois qu’on parlait de nous. 

Ce qui est génial avec le temps, c’est qu’on sait exactement l’espace qu’il faut à notre ego pour pouvoir s’exprimer mais qu’au bout du compte, ce soit l’œuvre qui prime, le message et la parole commune, la chanson. 

Je pense que les vrais génies de la musique sont les compositeurs classiques et les compositeurs de jazz. Eux, ont réussi à chaque coup à parler en musique. Nous – les chanteurs, auteurs, compositeurs – on a quand même besoin de recourir aux mots pour clarifier les choses ; John Coltrane, Miles Davis, Schubert n’avaient pas besoin de ça. On entend, on comprend tout. Je n’ai pas ce génie-là.

Pourquoi on continue ? Parce qu’on aime.

L’album coïncide avec les 25 ans du génocide au Rwanda. C’est normal que cette histoire revienne, que cette histoire me revienne ; on n’est pas plusieurs rescapés de ce génocide à avoir gagné l’intérêt des médias. On approche du 6 avril, ce serait un non sens que de ne pas me poser de question sur le Rwanda, sur cette commémoration. Chaque 6 avril est une occasion d’en reparler, et aussi une tentative de réparer les choses.