Le Journal de Montréal, par Marie-France Bornais JDM
Étonnant tant les médias que le grand public, Corneille, la star, le chanteur lumineux, malgré un passé terrifiant, raconte pour la première fois son histoire dans une autobiographie émouvante qui révèle autant sa quête de vérité et sa résilience que son talent d’écrivain: Là où le soleil disparaît. JDM
Corneille, cet artiste qui fait courir les foules partout où il passe, s’est retiré de la scène il y a quelques mois pour se plonger dans l’écriture d’une autobiographie sans fard. Il raconte le génocide de sa famille au Rwanda, pendant lequel ses parents, ses frères et sa sœur furent assassinés devant ses yeux. Il a survécu par chance, s’est enfui vers l’ouest, puis a refait sa vie, d’abord en Allemagne, puis au Canada. Et puis, il est devenu star.
À 39 ans, maintenant père de deux enfants, heureux comme un roi avec sa conjointe Sofia et bien ancré dans sa vie québécoise, il parle de son histoire et de ses racines, de sa quête d’identité, de ce qui lui a permis d’être ce qu’il est.
«Je cherchais un moyen de raconter mon histoire, avec la liberté d’aller au fond des choses. Je ne trouvais pas cette liberté dans la chanson. (…) Je commençais à trouver mes limites, dans la chanson, et j’avais l’impression que j’avais beau raconter des histoires, c’était toujours des résumés et non les histoires complètes», explique-t-il en entrevue.
Postérité
Il se cherchait un médium pour pouvoir en dire plus, quand est arrivée l’offre de publier son autobiographie. «J’ai accepté d’écrire pas trop longtemps après la naissance de mon fils, par devoir de mémoire et le besoin de laisser quelque chose à la postérité. Par peur aussi d’oublier. J’avais peur que mon passé disparaisse complètement, d’autant plus qu’une partie de mon passé a physiquement disparu et que les visages de ma famille commençaient à devenir flous, dans ma tête.»
Dans son livre, Corneille voulait aussi expliquer des choses: le personnage qui s’est construit dans les médias et aux yeux du public portait son lot d’énigmes et de mystères et il avait envie d’éclaircir tout ça.
L’écriture comme telle n’a pas été particulièrement aisée. «Le début a été facile et c’est là que je me suis surpris à aimer l’écriture, à un point où je me suis dit que j’aimerais en faire plus et continuer à écrire des livres et peut-être des romans. C’était peut-être un rêve qui dormait en moi depuis longtemps.»
Le plaisir d’écrire lui a fait oublier qu’il écrivait sa propre histoire et qu’il allait raconter des choses pas très agréables et douloureuses qui l’attendaient au tournant. «Plus je m’approchais des périodes difficiles de ma vie, plus je ralentissais le débit. Sur les cinq ans que ça m’a pris, il y a un bon deux ans où je n’ai rien fait, parce que j’avais peur de ce qui s’en venait.»
Salutaire
Revisiter son passé et l’affronter carrément a été salutaire. «Les passages les plus durs ont été ceux de l’abus que j’ai subi quand j’étais enfant et le génocide, plus particulièrement la nuit où j’ai perdu ma famille. Mais il était aussi difficile que le besoin de raconter ces choses-là était fort: j’étais pris entre la difficulté et la douleur que le récit de ces périodes difficiles réveillait et le besoin viscéral, vital que j’avais de raconter ces choses-là.»
Aujourd’hui, Corneille a trouvé son équilibre et une paix intérieure auprès de sa famille. «C’est ce qui m’a sorti de ce lieu de solitude et d’incompréhension et d’isolement. C’est ce qui m’a ramené – sans connotation péjorative – dans une certaine “normalité” de la vie.»
Corneille sera au Salon du livre de Montréal les 19 et 20 novembre pour rencontrer les lecteurs.